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Présentations

  1. H. Thomson lors de la cérémonie du dévoilement de la statue de John A. Macdonald de Ruth Abernethy à Picton, le 1er juillet 2015.
  1. H. Thomson lors de le dîner à l’hôtel Fairmont Royal York au 200e anniversaire de naissance de Sir John A. Macdonald à Toronto, le 10 janvier 2015

M. le président, le silence qui a, à tout jamais, étouffé la voix de l’honorable gentleman est plus éloquent que tout discours que nous puissions faire. Il va sans dire que je ressens bien l’intensité de la douleur qui alourdit les coeurs de ceux qui étaient les amis et partisans de Sir John Macdonald, à la suite de la perte d’un grand chef dont toute la vie a été si étroitement liée à leur parti.

Nous, de ce côté de la Chambre – qui étions ses opposants, qui ne croyaient pas en sa politique, ni en ses méthodes de gouvernement – nous partageons une pleine part de ce deuil.

C’est dans tous les aspects une grande perte nationale, car celui qui n’est plus, était – sous bien des aspects – le fils le plus illustre du Canada et dans tous les sens du mot un citoyen et homme d’état les plus reconnus du Canada.

Sir John Macdonald était rendu au point dans sa vie où la mort, peu importe quand elle se présente, ne peut plus être considérée comme inattendue. En effet, il y a quelques mois, quand la dernière campagne électorale battait son plein, le pays a été informé un jour que les forces du premier ministre, et vétéran, n’égalaient pas son courage, que la charge de travail courbait le dos de ce corps athlétique singulier et tous, sauf peut-être cet homme remarquable, s’inquiétaient que l’ange de la Mort ne l’ait déjà touché de son aile. Il y a quelques jours, au coeur d’un débat houleux dans ce Parlement, les nouvelles se sont répandues dans cette Chambre que soudainement, sa condition était devenue alarmante, les vagues émergentes d’outrage dans les discussions se sont tues du même coup et tous, amis et ennemis, se sont rendus compte à ce moment que l’ange de la mort avait, en effet, franchi le seuil de la porte. Non cette nouvelle ne nous a pas pris au dépourvu et pourtant, bien que nous nous attendions à l’avènement éventuel de ce triste événement, il nous semble encore impossible de se faire à l’idée que c’est réel, que Sir John Macdonald n’est plus, que la chaise que nous voyons en ce moment vacante, demeurera ainsi pour toujours – que ce visage, qui a été durant les quarante dernières années si familierdans ce Parlement, ne se verra plus, et que cette voix si bien connue ne se fera plus entendre, que ce soit dans un débat solennel ou sur un ton rieur. En fait, la place occupée par Sir John A. Macdonald dans ce pays est si étendue, si profonde, qu’il est pour ainsi dire impossible d’imaginer que la vie politique de ce pays, que le destin de ce pays, puissent se poursuivre sans lui. Nous nous sentons dépassés par cette perte. Pour ma part, je dois admettre que c’est une perte accablante et elle est aussi écrasante pour ce Parlement, comme si, en fait, l’une de nos institutions nationales s’était effondrée.

Sir John Macdonald appartient désormais à l’histoire et on peut dire avec certitude que sa carrière, qui vient tout juste de prendre fin, est l’une des plus remarquables de notre siècle. Il serait prématuré en ce moment de tenter de fixer ou d’anticiper le jugement final que portera l’histoire sur sa personne, mais il y avait dans sa carrière et dans sa vie, des caractéristiques si prédominantes et si manifestes qu’elles brillent déjà d’une lumière que le temps ne peut altérer.

Je crois qu’il est donc permis d’affirmer que dans l’art suprême de gouverner, Sir John Macdonald était doué, comme peu d’hommes l’ont été dans l’histoire du monde, tant et si bien que ces qualités l’auraient rendu célèbre peu importe le pays dans lequel il aurait pu se trouver. D’avoir été capable de rassembler le groupe le plus hétérogène qui soit et d’en faire un parti très serré qu’il a pu gardé sous la main jusqu’au dernier jour de sa vie est, je crois, sans précédent. Le fait que durant des années, il ait maintenu sans équivalent non seulement la confiance, mais la dévotion – l’ardente dévotion et l’affection de son parti – prouve bien qu’en plus de ses grandes qualités de chef d’état dont nous étions tous témoins quotidiennement, il était aussi doté de cette grâce intérieure de l’âme, indéfinissable, subtil, qui gagne à jamais le coeur des hommes.

Quant à son gouvernement, il est passé à l’histoire du Canada. On peut dire sans aucune exagération que la vie de Sir John Macdonald, à compter du jour où il est entré au Parlement, fait partie de l’histoire du Canada.

Bien que mes convictions politiques m’obligent à dire que, selon moi, ses mesures n’ont pas toujours été les meilleures qui auraient pu être prises dans l’intérêt du Canada, ma conscience me force à admettre qu’il avait au fond mal interprété les motifs qu’il a imputé à ses adversaires et que je suis bien prêt à enterrer ces différends pour n’évoquer que les grands services qu’il a rendus à notre pays – pour me rappeler que ces actions ont toujours fait preuve d’une opinion d’une grande originalité, de ressources d’une fertilité sans limites, d’une conception intellectuelle élevée et surtout, d’un patriotisme profond – d’un dévouement pour le bien-être du Canada, pour l’avancement du Canada et pour la gloire du Canada.

© Édité par Roderick Benns, Richard Gwynn, David Warrick, R.H. Thomson, 2014.

Traduction par Celine Dussault

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