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Sir John A. Macdonald et la Constitution

Dévoilement de la statue de Macdonald lors de la fête du Canada

à Picton, le 1er juillet 2015

L’honorable juge Robert J. Sharpe (OCA)

Il y a cent quarante-huit ans aujourd’hui, le Parlement de Westminster a promulgué l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 qui a donné naissance à la constitution de notre nation.

Notre pays n’aurait probablement pas vu le jour si ce n’était de l’imagination, du courage et de la détermination de l’homme que nous célébrons ici, par le dévoilement de cette statue. De ses humbles débuts en qualité de jeune avocat ici même dans le comté de Prince Edward, il s’est transformé au fil des ans en un homme d’état habile. Il a été, selon les termes de son biographe Richard Gwyinn, le «fondateur de notre nation – l’homme qui a fait de nous, ce que nous sommes».

Sir John A. Macdonald se considérait comme un homme politique pragmatique : «Je me contente de m’en tenir aux faits plutôt que d’entretenir des plans imaginaires ou des idées visionnaires qui sont utopiques ». Il avait beau le nier, il n’en demeure pas moins qu’il avait une vision – en effet, il rêvait d’une nation nordique, solide et unie, qui devait s’étendre un jour de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique et des Grands Lacs à l’Arctique.

Notre Constitution de 1867 porte la signature de Sir John A. Macdonald c’est-à-dire, une vision imbue d’un certain pragmatisme. Vous y chercherez en vain le langage pompeux des documents qui ont fondé la nation de nos voisins du Sud. Leur Déclaration d’Indépendance proclame les droits inaliénables «de vie, de liberté et de la poursuite du bonheur» tandis que notre Constitution, avec la discrétion qui caractérise si bien les Canadiens, se contente en toute modestie d’aspirer à «la paix, à l’ordre et à un bon gouvernement». Notre Constitution de 1867 porte les marques de compromis et d’accommodements que Sir John A. Macdonald a si brillamment forgés pour unir, en une nation, les colonies disparates de l’Amérique du Nord britannique qui se sentaient alors menacées au lendemain de la guerre civile américaine.

Mais si nous lisons bien entre les lignes, nous pouvons discerner la vision du premier ministre pour notre grande nation. Notre Constitution de 1867 proclame que nous allons avoir «une constitution similaire en principe à celle du Royaume-Uni» et le vocabulaire et la structure qu’on y trouve nous lient aux grandes traditions de la démocratie parlementaire dont nous sommes encore si fiers aujourd’hui. Des valeurs avec lesquelles Sir John A. Macdonald a grandi. Ce sont les institutions d’un gouvernement démocratique, de la primauté du droit et du ferme engagement à assurer à tous ses citoyens les droits à l’équité, à la dignité et au respect.

La Constitution que nous a donné Sir John A. Macdonald a créé un gouvernement fédéral dans lequel nos provinces retiennent des pouvoirs importants permettant l’épanouissement de leurs collectivités distinctes. Tout comme il l’a si ardemment souligné en s’adressant aux délégués de la Conférence de Québec de 1864 : «Soyons Anglais ou soyons Français… mais surtout, soyons Canadiens». Le fédéralisme était un compromis. Sir John A. Macdonald savait qu’il pouvait nous unir jusqu’à un certain point. Mais le fédéralisme de Sir Macdonald portait aussi l’empreinte d’une grande vision qui englobait la capacité que peuvent avoir des gens de différentes souches de se regrouper et d’embrasser un but commun en acceptant, du même coup, de respecter réciproquement leurs diversités. De là est née la nationalité canadienne et c’est ce que nous sommes aujourd’hui – des gens unis qui viennent de tous les coins du monde, des gens qui se sont engagés à la tolérance et au respect des diverses cultures et traditions de leurs concitoyens.

De nos jours, nous sommes douloureusement conscients que notre Constitution de 1867 est loin d’être parfaite. Plus particulièrement, nous nous rendons compte que de la fondation de notre pays à nos jours, nous avons failli dans notre devoir d’accorder à nos frères et à nos soeurs autochtones la place et le respect qui leur appartiennent en tant que premiers Canadiens. Certaines paroles, certaines mesures de Sir John A. Macdonald ont sans aucun doute engendré une part du problème. Mais comme l’a déclaré un juge dans sa sagesse «Il s’agit du constat d’une injustice que nous aurons bien du mal à intérioriser au cours de notre génération.» Aujourd’hui, nous admettons certaines erreurs du passé mais nous devons tourner notre attention sur l’aspect positif de la vision constitutionnelle de Sir John A. Macdonald afin qu’elle puisse devenir une réalité pour tous.

C’est la vision d’une grande nation qui est vibrante, libre et démocratique ; une nation qui s’est délibérément engagée à embrasser tout ceux qui, aujourd’hui tout comme hier, sont venus dans ce pays pour vivre ensemble en paix et en harmonie. C’est le Canada que Sir John A. Macdonald a imaginé, c’est le Canada qu’il a créé et c’est le Canada auquel nous continuons tous d’aspirer.

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